Dans le bureau, la musique

Il y avait une petite pièce et cette pièce était son bureau, le bureau de mon père.

Trois murs étaient une bibliothèque du sol au plafond, faite sur mesure. Le quatrième mur n’en était pas un, c’était une baie vitrée.

Le bureau lui même, grande table,  était celui du grand-père, lourd, en bois foncé. Un lourd fauteuil devant, un truc avec des accoudoirs en rond, tout autour.

Les livres avalaient toute la pièce, c’était une grotte d’Ali Baba. Tous les styles étaient là, des classiques à la S.F sa passion, qui lui arrivait par courrier et parfois des Amériques. Les bandes-dessinées occupaient des étagères entières.

Et dans un coin il y avait un petit meuble à roulettes et en fer doré qui faisait 80 cms de haut et comportait quatre rayons qui débordaient de 33 tours. Des classiques, exclusivement, les « disques des parents ». Quelques comédies musicales, dont mon amour de « West side story »,  et du Django, mais sinon, non, que du classique qui faisait mon bonheur de petite fille.

Je viens d’écouter du Bach à la radio et me  suis souvenue soudain,  avec force et joie, de mes heures en solitaire dans ce bureau. Je découvrais les disques, ils étaient tassés les uns sur les autres. Les pochettes en papier commençaient parfois à se déppicher, c’était vraiment un beau trésor que je manipulais avec précaution. Les disques noirs et épais étaient lourds.

Le tourne-disque était dans la pièce puis il déménageât. Mais quand j’étais petite, 8 ans, 10 ans, c’est  dans cette pièce que j’écoutais. C’était ma cabine d’écoute, comme dans les magasins de disques de l’époque.

J’ai gardé cette impression, assise par terre, je déballe les couvertures des 33 tours, je lis, je dévore des yeux. Là j’ai tout appris :  Bach, Vivaldi, Mozart, Brahms, Beethoven,   Chopin…Le clavecin, le piano, les flûtes, les violons, le violoncelle. Personne ne me poussait à le faire, c’était vraiment mon choix, mon bonheur, là. Presque un secret.

Des heures et des heures, par terre, les pochettes dans les bras,  à écouter profondément, à en prendre plein les mirettes, fillette.

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2 commentaires to “Dans le bureau, la musique”

  1. Bach à la radio, des souvenirs qui remontent et le portrait d’un père, exactement. Les suites de Bach servaient de bandes-son aux films super-8 de mes colonies de vacances. Mais c’est le même appel à se remémorer, sans savoir qu’il s’agit d’une plongée jusqu’aux premières années. Loin.

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